Les français sont (à juste titre) extrêmement méfiants vis-à-vis des institutions européennes, dont le moins qu’on puisse dire, est qu’elles sont pas mal opaques et assez peu démocratiques.
L’adoption d’une constitution était en soi une bonne idée si l’on s’en était tenu à lui faire remplir son seul rôle: encadrer juridiquement les institutions et définir les compétences de chacun. Pour notre plus grand malheur, la rédaction de ce texte fondateur à été confiée à l’inénarrable Giscard, qui nous a laborieusement pondu un pavé aussi indigeste qu’abscons, qui de surcroît, outrepassait allègrement ses attributions en gravant dans le marbre la future politique de l’union: elle serait libérale (au sens frelaté des néo-conservateurs) ou ne serait pas. La suite montra qu’elle ne fut pas.
Pour qui le terme démocratie revêt encore un sens, l’adoption d’un texte qui engage aussi gravement l’avenir de chacun ne peut ce faire que par voie référendaire. Sans doute Chirac y voyait-il surtout l’occasion de redorer à moindre risque un blason passablement oxydé après deux déroutes électorales successives, mais, encouragé par des sondages favorables, il présenta le traité aux suffrages des français, avec le résultat que l’on sait.
D’aucuns ici se plaisent à expliquer la Bérézina référendaire par un anti-chiraquisme primaire, les manœuvres souterraines d’indécrottables nationalistes, l’influence occulte des gauchistes de toutes espèces (au couteau entre les dents), ou que sais-je encore. Ne peuvent-ils simplement admettre que les français n’ont pas voulu du texte parce qu’il était mauvais?
Toujours est-il que le peuple souverain s’est exprimé en la matière de façon très claire, et les agissements de l’actuel locataire de l’Elysée pour balayer ce scrutin d’un revers de la main me semblent peu conformes à l’idée que je me fais de l’honnêteté politique. Si cette trahison des électeurs sert assurément les intérêts des promoteurs de l’Europe des banquiers et des affairistes, je doute qu’elle puisse réconcilier les français avec l’idée européenne.


